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Partie 1: Réfuter l’assertion d’une culpabilité commune hypocrite et contrefaite

Dernière mise à jour : 2 juil. 2020


L’avènement des réseaux sociaux en Haïti a permis, dans une certaine mesure, une amplification des débats socio-politiques. Aujourd’hui le citoyen disposant d’un appareil intelligent et de connexion internet peut s’inviter aux débats divers alimentant l’actualité. Il s’est vu offert différentes plateformes pour partager ses opinions, commenter celles des autres et prendre position. Le potentiel interactif des réseaux sociaux les plus utilisés en Haïti : Twitter, Facebook, Instagram ont fait que certaines prises de positions se sont rependues comme une trainée de poudre. Souvent émises dans des contextes différents, des phrases postées, devenues populaires sont désormais des slogans ; on en fait même des hashtags assez souvent.

"NOU TOUT KOUPAB!"

Détrompez-vous, cette phrase ne s’est pas vulgarisée avec la meringue carnavalesque de 2006 du groupe REV. L’idée était forcément déjà là, mais elle est réapparue surtout sur Twitter ces dernières années, et bien plus qu’un slogan, elle s’est érigée en une sorte de réplique fortuite clouant le bec à tous dans des débats sur le « timeline ». Pendant un certain moment je voyais bon nombre de gens brandir cette pancarte sur les réseaux sociaux, d’autres surement la scandait à vive voix. Mais, je m’interroge encore sur la teneur de ce slogan. Suppose-t-il un sentiment de culpabilité commune imposable ou imposé à tous ? Insinue-t-on que toutes les filles et tous les fils de notre terre sont coupables de leurs propres malheurs ? Et que chaque haïtien, qu’importe ses valeurs, ses prises de positions, s’avère d’une manière quelconque coupable ?

L’expression a émergé au gré d’agitations socio-politiques, mais aussi s’est vu corroboré par des autopsies méthodiques sur notre faillite en tant que peuple et en tant que nation. "NOU TOUT KOUPAB" pointe une forme de responsabilité/faillite collective dans la torpeur actuelle, mais semble servir aussi d'indexation personnelle. Dans « Haïti a choisi de devenir pauvre : les 20 raisons qui le prouvent » l’auteur, nous dit Fritz Alphonse Jean, « a voulu se démarquer des réponses habituelles qui tendent à blâmer l’autre pour nos malheurs, tout en admettant une certaine responsabilité de l’autre ou une certaine complicité ». Cette thèse semble tacitement vouloir nous exhorter à endosser la part de fautes qui est la nôtre, à nous tous.


Au-delà de l’herméneutique, la démarche qui semble souvent accoucher de ce slogan est intrigante. Elle émane d’un débat où le laxisme de l’haïtien est parfois opposé à la faillite pluridimensionnelle de l’Etat. Ce débat varie, certes suivant le contexte, ou plutôt suivant la conjoncture. Mais toujours, il y a comme une chute définie où la non-reconnaissance de ses droits par l’haïtien est sanctionnée et l’inexistence de l’Etat est acceptée. L’haïtien mérite cet Etat destiné à s’effacer continuellement face à ses devoirs, disent plus d’un. Mais, le « citoyen », en s’effaçant face à son devoir civisme aurait-il pu contribuer à forger cet Etat ou l’inverse s’avère-t-il plus plausible ?


A travers ces questions le constat est tangible que celui qui sort ce slogan nous indexe tous, mais à priori se fustige lui-même. Et par ce fait, on dirait qu’il prétend avant tout à faire l’apologie que de sa propre conscience et pas d’une conscience collective. Sa prise de conscience, étrangement l’a poussé jusqu’à rejeter la culpabilité sur nous tous. « NOU TOUT KOUPAB » n’est qu’une autocritique partiale et maculée d’hypocrisie. Car plongé dans quelle que soit la forme de prise de conscience, ça ne devrait surtout pas nous inviter qu’à rejeter la faute, surtout quand le premier pas n’est pas de chercher à assumer. Le jugement de soi, l’autocritique face aux déboires continus de cette nation doit pouvoir conduire l’homme haïtien à dépasser ses peurs pour laisser naitre le citoyen. Ce pays qui se meurt en a grand besoin. Il a besoin de nous tous, unis dans ce paradigme loin d’être idéaliste mais oh combien nécessaire. Mais, qui fera l’union si nous nous rejetons tous la faute ? Si, en aspirant (enfin) à ce dialogue sacrosaint, nous aboutissons à une autoflagellation collective. L’haïtien ne se reconnaissant plus, soudain se reconnait que coupable. Mais, coupable de quoi ? De la flambée du taux de change, de cette décrépitude socio-économique, de cette misère acerbe qui ronge les masses ?


Nathanaël Delva

Planificateur

Associé-Membre fondateur de Pentagone Consulting Group

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