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Un Examen des Enjeux du Genre en Haïti dans le Contexte Mondial Actuel



L'évolution de la condition féminine : Un aperçu global

Les femmes ont toujours été marginalisées à travers le monde sous la base qu’elles sont considérées comme des êtres inférieurs et ne peuvent pas accomplir certaines tâches dénommées arbitrairement « tâches d’hommes ». Ainsi dans cette perspective machiste, le premier rôle conféré à la femme dans la culture des sociétés anciennes est celui de la reproduction, ce qui ne faisait que renforcer les réflexes de masculinité délétère dans presque toutes les civilisations. Selon un rapport des Nations Unies de 2011, les femmes représentent plus de 52% de la population mondiale, mais leur présence dans les postes de prise de décision reste limitée (ONU, 2011). Pierre Bourdieu explique que les femmes ont longtemps été exclues de "tâches nobles" et reléguées à des rôles inférieurs (Bourdieu, 1998). Cependant, au fil du temps, ce mode d’appropriation de la femme a évolué vers des approches différentes, mais toujours tributaires de la vision primaire du monde de la femme. Par ailleurs, de nombreux mouvements sociaux un peu partout dans le monde ont émergé en vue de restituer le « droit de la femme » en tant qu’être à part entière. Citons à titre exemple : le mouvement féministe des années 1960 aux États-Unis ou encore les récentes manifestations pour les droits des femmes en Inde (BBC, 2019). Ces mouvances et bien d’autres encore à l’échelle planétaire a apporté des changements considérables, mais l’objectif ultime qui est de « Considérer les femmes pour ceux qu’elles sont et non pour ceux qu’on voudrait qu’elles soient » n’est pas encore atteint. La bataille continue !


Femmes discriminées et marginalisées

Comme susmentionné, le phénomène de la marginalisation et de la discrimination des femmes du point de vue du genre n’est pas nouveau. Historiquement, les femmes ont toujours été victimes de discriminations et de marginalisation de toutes sortes à travers le monde. Des études, comme celle de Dubet et Al. en 1992, montrent que la discrimination et la marginalisation sont particulièrement flagrantes dans les pays en développement (Dubet et al, 1992). La Banque mondiale indique également que les femmes sont plus vulnérables aux violences que d'autres formes de risques comme le cancer ou la guerre (Banque mondiale, 2015). En Colombie, une femme est tuée tous les six jours par son partenaire (ONU, 2019), tandis qu’en Afrique du Sud, une femme est tuée toutes les six heures par son partenaire (Amnesty International, 2020). Cependant, au cours de la période postmodernité, de plus en plus de voix se sont élevés en faveur du respect des droits fondamentaux des femmes et condamnent toutes formes de violences et de discrimination subies. Et, en fait, beaucoup d’efforts sont faits au niveau mondial en vue d’améliorer cette situation déshumanisante. Certains progrès sont aussi constatés dans plusieurs pays mais pour d’autres les femmes continuent de vivre des situations critiques et des manifestations des violations des droits humains. Haïti n’est pas exempt.


Aperçu de la violence basée sur le genre de la pandémie de la COVID-19

D’abord, dans un effort de définition du concept violence basée sur le genre plus connu sur l’acronyme VBG, nous retenons la définition de la revue littéraire publiée par l’organisation Genre en Action. La violence basée sur le genre (VBG) résulte d’un acte ou d’une pratique exercée en fonction du sexe ou du rôle social d’une personne, entraînant souffrance ou préjudice physique, sexuel, psychologique ou économique. Elle se manifeste par un contrôle et une domination de force, principalement de l’homme sur la femme, dus au rapport de force inégal entre les sexes. La violence basée sur le genre peut prendre plusieurs formes notamment : La violence conjugale: quelques fois appelée violence exercée par le « partenaire intime », la violence sexuelle; la violence psychologique, le féminicide qui est le meurtre des femmes et des fillettes à cause de leur appartenance au sexe féminin; la violence domestique, Le harcèlement sexuel, qui sont les attaques verbales, physiques, psychologiques et sexuelles proférées à l’intention des femmes et fillettes, entre autres. L'Organisation des Nations Unies avait noté une augmentation significative des cas de violence domestique pendant les périodes de confinement (ONU, 2020). Cela dit, des femmes et leurs enfants ont été prisent au piège avec des partenaires/pères violents et sont isolés de leurs réseaux de soutien. En même temps, les déclencheurs connus de la violence sont très prisés soient les difficultés financières, l'abus d'alcool chez les hommes, les conditions de vie surpeuplées, le stress émotionnel, entre autres. Les hommes qui utilisent la violence ont profité également des politiques de distanciation sociale et d'auto-isolement pour contrôler et contraindre davantage leurs partenaires.


La Situation en Haïti

La violence domestique est aussi un problème majeur en Haïti. Selon les données du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) en 2017 révèle que 29% des femmes interrogées ont été victimes de violence physique depuis l'âge de 15 ans (MSPP, 2017). La situation s'est aggravée pendant la pandémie, avec des cas de kidnapping en hausse de 200% selon un rapport de l'ONU (ONU, 2021). Au cours de l’année 2016-2017, une étude réalisée par le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) démontre que 29% des femmes et filles interrogées âgées de 15 à 49 ans ont été victimes de violence physique, et ce, depuis l’âge de 15 ans. (Reference : Enquête Mortalité, et Utilisation des Services en Haïti, 2016-2017) et cité dans un rapport de la référence Centre Kaizen).

Cependant, toutes les statistiques officielles et documentées liées à la condition de violence féminine se sont révélés explosives même avant la pandémie. Dans un rapport de l’Initiative départementale contre la traite et le trafic des enfants (Idette), durant l’année 2019, 123 femmes et filles ont été victimes d’actes de violences physiques, sexuelles et de séquestration dans le département de la Grand’Anse. 74 adolescentes sont tombées enceintes dans huit écoles à Beaumont, toujours dans ce même département. (Reference : Ayibopost, 08/11/2020, Hervia Dorsinville). D’autres cas flagrants faisant la une de la presse haïtienne comme Olsmina Jean-Meus la fillette de 5 ans, Evelyne Sincère, l'étudiante de 21, viennent rallonger la longue liste des femmes violées et tuées par la suite. (Reference : Le Nouvelliste, 03/11/2020 ; Roberson Alphonse).

Aussi, l’ONU a révélé dans un rapport au début de l'année 2021 que les cas de kidnapping ont été augmentés de 200% pour les 12 derniers mois. En se référant à ces données, il y a donc lieu de dire que la situation des femmes (du genre) est critique en Haïti dans un contexte ou le kidnapping fait encore rage. Toutefois, la pandémie n’a pas eu autant de dégât sur les femmes en Haïti comme dans d’autres pays car les chiffres sont plutôt mitigés. Phénomènes de société, crise socio-économique sous fonds de crise politique continue d’impacter considérablement la vie des femmes en Haïti. Mais encore, le cas des femmes pauvres de situation instable dans les quartiers défavorisés est de plus en plus critique si on considère la multiplication des zones de non-droits, la promiscuité et l’insuffisance des hôpitaux, la recrudescence de l’insécurité de ces trois dernières années et les incalculables cas d’enlèvements sont des facteurs beaucoup plus nocifs pour la question du genre que la pandémie du Coronavirus.


Perspectives et Recommandations

Mais encore, en Haïti, la notion de genre est souvent incomprise et très mal traitée, du moins les actions entreprises quand il faut aborder des cas de violences sur le genre sont d’un laxisme assez prononcé. Donc, en termes de perspectives, il faut déconstruire et reconstruire l’opinion publique sur le phénomène. Par exemple, les médias qui constituent l’une des sources de socialisation qui influence le plus la vie des gens doivent donner plus de place et d’espace à ce sujet. Des images négatives et des stéréotypes féminins sont trop dominants dans certains médias. Aussi, la façon dont certains médias rapportent la violence basée sur le genre (comme un délit ou une violation de la loi de moindre importance) contribuent à faire accepter la violence basée sur le genre comme une norme. Il faut changer de paradigmes, la presse doit pousser la société à reconnaître ce problème et met la pression de l’opinion publique sur les décideurs politiques pour légiférer contre ce phénomène et renforcer les textes de loi existants. Des reportages de sensibilisation sur la violence basée sur le genre peuvent aussi aider les rescapées et les autres en leur fournissant les informations dont elles ont besoin pour se protéger ou pour protéger les autres ou pour demander de l’aide et chercher justice. Pour les organisations féministes, ici ou ailleurs, les organismes communautaires, les féministes de partout la lutte ne fait que commencer.

En Haïti, il y a un besoin urgent de rééduquer l'opinion publique et de responsabiliser les médias. Les organisations féministes doivent continuer à militer pour un changement législatif et social.


Bibliographie

  • ONU, "Le progrès des femmes dans le monde 2011–2012," Nations Unies, 2011.

  • Pierre Bourdieu, "La Domination Masculine," 1998.

  • BBC, "Le mouvement pour les droits des femmes en Inde," 2019.

  • Dubet et al., "La galère: Jeunes en survie," 1992.

  • Banque mondiale, "La violence à l'égard des femmes: un obstacle à la parité," 2015.

  • ONU, "Rapport sur la violence contre les femmes en Colombie," 2019.

  • Amnesty International, "Rapport sur la violence à l'égard des femmes en Afrique du Sud," 2020.

  • ONU, "La violence domestique en hausse à cause de la COVID-19," 2020.

  • Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), "Étude sur la violence basée sur le genre en Haïti," 2017.

  • ONU, "Rapport sur le kidnapping en Haïti," 2021.

Par Casline Chéry et Jean Roberson Exantus

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